Approuvé en Suisse, en Europe et aux Etats-Unis, cet implant – conçu à Ecublens (VD) – a déjà été implanté auprès de huitante personnes. «La rétine artificielle me procure désormais de nombreux flux lumineux – parfois trop! – correspondant à des contrastes. A l’extérieur surtout, ceci donne une impression de baigner de nouveau dans cette réalité visuelle disparue chez moi depuis bien longtemps. Il est évident que ces flux sont le plus souvent impossibles à interpréter et n’offrent qu’une utilité très restreinte, mais ils apportent un réconfort et brisent la monotonie des déplacements», explique Gilles, un Français qui fait partie des patients vivant avec l’implant rétinien de Second Sight. Il dit, après quatorze mois d’utilisation du dispositif, percevoir à nouveau des silhouettes, le déplacement de véhicules ou même des feuilles d’arbre tombées au sol, qui se traduisent par des taches lumineuses.
La prothèse, qui comprend une antenne, un boîtier électronique et un faisceau d’électrodes, est implantée à l’intérieur de l’œil par voie chirurgicale. Parallèlement, le patient doit porter un équipement externe comprenant des lunettes, une unité de traitement vidéo et un câble.
Dans un œil sain, les photorécepteurs de la rétine convertissent la lumière en minuscules impulsions électrochimiques qui sont envoyées par le biais du nerf optique au cerveau, où elles sont décodées en images. Si les photorécepteurs ne fonctionnent plus correctement, à la suite de pathologies telles que la rétinite pigmentaire, la première étape de ce processus est interrompue et le système visuel ne peut plus transformer la lumière en images. Le système de prothèse rétinienne – dénommée Argus II – contourne entièrement les photorécepteurs endommagés.
Une caméra vidéo miniature logée dans les lunettes du patient filme une scène. La vidéo est envoyée à un petit ordinateur porté par le patient, qui la traite et la transforme en instructions qui sont renvoyées aux lunettes via un câble. Ces instructions sont transmises à une antenne dans l’implant par le biais d’une connexion sans fil.
Les signaux sont ensuite envoyés au faisceau d’électrodes qui émet de petites impulsions électriques. Celles-ci contournent les photorécepteurs endommagés et stimulent les cellules restantes de la rétine, qui transmettent les informations visuelles le long du nerf optique au cerveau, créant la perception des formes lumineuses. «Les patients doivent apprendre à interpréter ces formes visuelles», explique Fatima Anaflous, thérapeute basse vision chez Second Sight.
«Grâce à la reconnaissance internationale que nous avons obtenue, nous espérons que notre implant soit plus largement remboursé par les assurances maladie, souhaite Grégoire Cosendai. Implanté pour la première fois il y a onze ans, notre implant devrait posséder une durée de vie moyenne de vingt ans, contrairement à celui de notre principal concurrent en Allemagne, Retina Implant, dont la durée de vie est d’une année.»
L’Argus II est vendu 80 000 euros en Europe et 145 000 dollars aux Etats-Unis. Sommes auxquelles il faut ajouter les frais médicaux. Après l’Allemagne et la Toscane, en Italie, le système d’assurance santé Medicare, géré par le gouvernement des Etats-Unis, a annoncé accepter le remboursement de cet implant au deuxième semestre 2013. Cette décision devrait se traduire par une importante augmentation du chiffre d’affaires de Second Sight.
Fondée en 1998 par l’homme d’affaires Alfred Mann, puis financée par le gouvernement américain et la Communauté européenne, ainsi que le fonds de capital-risque Versant Venture, la société a déjà levé au total près de 40 millions de francs. Comptant quelque 110 collaborateurs – dont 90 aux Etats-Unis où a lieu la fabrication des prothèses et 20 à Ecublens –, la société a enregistré un chiffre d’affaires de 5 millions de francs en 2013 et a fini l’année dans les chiffres noirs.
«Cette année, nous allons démarrer des essais cliniques sur une autre pathologie: la dégénérescence maculaire liée à l’âge, une maladie de la rétine qui touche 15 000 personnes en Suisse», explique Grégoire Cosendai.
«A moyen terme, notre implant possédera de nouvelles fonctionnalités. Il sera, par exemple, possible d’intégrer un logiciel de reconnaissance faciale pour repérer son enfant ou un proche dans une foule. Un logiciel pourra donner des indications sur l’émotion transmise par un visage», prévoit Fatima Anaflous.
«La rétine artificielle me procure désormais de nombreuxflux lumineux,parfois trop!»
Source Le temps